Lohmann
Astucieux petit moteur
Pendant longtemps, la vitesse a été la préoccupation première des constructeurs de moto. Ce n'est pas une spécificité japonaise, puisque Vincent-HRD, Triumph, Norton, BSA et même BMW, pour ne citer qu'eux, luttèrent longtemps pour présenter les motos les plus performantes possibles. Et ceci, pour ne parler que de l'après-guerre.
D'un autre côté, la moto utilitaire avait également sa place. Ce ne sont généralement pas celles qui ont le plus marqué les esprits. Ces engins se fixaient comme objectifs principaux une faible consommation et surtout un coût de fabrication faible. Bien que certains optèrent pour le 4 temps (Motobécane, AMC, pour la France), le 2 temps fumant et pétaradant représentait le plus gros de la production.
Pourtant, d'autres constructeurs exploitèrent des voies plus originales : si l'on vous parle d'un moteur basé sur le cycle 2 temps, à auto-allumage (couramment appelé "Diesel"), de faible cylindrée (18 cm3) vous aurez certainement du mal à imaginer qu'un tel engin puisse propulser un véhicule et son pilote. C'est pourtant ce que réalisa Lohmann, basé à BIELEFELD, qui était alors à l'Allemagne ce que Saint-Etienne était à la France.
Les premiers brevets de cet engin qui semblent remonter à 1948 décrivent un moteur qui était dessiné pour s'installer sur une bicyclette positionné de telle sorte qu'il "ne compromet nullement l'aspect sportif de la bicyclette". Dans ce but, il est placé horizontalement sous le cadre et son réservoir est dissocié du moteur lui-même.
L'essai de Moto-Revue ci-joint, en 1950, nous apprend que le guidon
de l'engin est doté de deux manettes tournante : L'une commandant un
mélangeur (le terme de carburateur est inapproprié) et l'autre commandant
un dispositif permettant de faire varier la compression du moteur dans une
proportion allant de 8 à 125 à 1 !
Pour démarrer, on actionne le levier permettant d'amener le galet en
contact du pneu (système que l'on retrouve sur le fameux "Solex) et les
deux manettes sont tournées à fond. C'est à dire compression maximum et
essence fermée. Après quelques mètre de poussées, les deux manettes sont
tournées en sens inverse : compression au minimum et essence au
maximum. Au fur et à mesure que le moteur arrivera à sa température de
fonctionnement, on augmentera à nouveau la compression (n'oublions pas que
le moteur est à "auto-allumage") et on diminuera le débit d'essence.
Le premier brevet déposé par Paul Lohmann pour la Société Lohmann Werk AG remonte à 1929. Plusieurs brevets, aimablement transmis par Didier Mahistre, déposés entre 1948 et 1955 en Allemagne, en France, en Autriche, en Suisse, au Danemark, en Grande Bretagne, aux USA, en Italie et certainement dans d'autres pays concernent chacun une particularité de ce moteur auxiliaire et nous font connaître les préoccupations qui ont amené son concepteur à adopter de telles solutions.
D'après ces brevets, les moteurs auxiliaires
qui ont été conçus jusqu'à maintenant étaient trop lourds et rendaient
la bicyclette sur laquelle ils étaient montés inutilisable en tant que
tem. Le premier but sera donc de construire léger. Donc petit et le
plus simple possible.
Un autre brevet nous décrit le mélangeur (voir
figure 1 ci-dessous), qui est une
sorte de carburateur simplifié, démuni de cuve, dont les "possibilités
résolvent un problème extrêmement important dans les machines à
auto-allumage, dont la chambre de combustion est alimentée en
mélange combustible-air, étant donné qu'on ne peut obtenir un départ
parfait de ces machines que si un mélange exagérément riche se
trouve dans la chambre de combustion". Autrement dit, ce
"pulvérisateur" se propose, avec un dispositif simplissime (et pas
forcément simpliste) d'arriver quasiment aux performances d'une
injection, inenvisageable pour des questions de coûts et de complexité
du système, là où un carburateur standard serait inapproprié.
On justifie par ailleurs la présence de ce "mélangeur" par le fait que
"les inconvénients du moteur Diesel résident, comme on sait, dans
le prix élevé et la tendance aux dérangements de la pompe
d'injection".
Il est vrai, d'ailleurs, qu'aux alentours de 1950, les moteurs Diesel
proposés sur des véhicules de série étaient extrêmement rares.
Le choix de l'auto-allumage nous est présenté de la
sorte : "On sait que les inconvénients principaux du moteur Otto
résident dans le fait qu'il exige, à cause de l'allumage étranger, des
dispositifs et appareils électriques coûteux compliqués et toujours
sujets à des dérangements, ces dispositifs rendant sensiblement plus
chères et plus difficiles la construction et la marche des véhicules
automobiles... Suivant l'expérience, 70% de toutes ces réparations
sont à mettre au compte de l'installation électrique nécessaire."
Ce brevet décrit et présente le dispositif de réglage variable de la
compression (figure 2 ci-dessous)
Un nouveau brevet, présenté en 1954 présente un autre
type de culasse à compression variable, dont le réglage de la
compression s'effectue automatiquement, "sous l'action de la
température de la chambre de combustion ou des parties qui
l'entourent". (figure 3
ci-dessous)
Lohmann connût-il des problèmes de fiabilité avec ses culasses à compression variable ? Quoi qu'il en soit, un dernier brevet propose différents types de piston dits "à rouleaux" et "à denture" dont le but est de permettre au piston d'effectuer une course plus importante en fin de course que celle qu'effectue naturellement le maneton du vilebrequin.(figure 4 ci-dessous)
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figure 1 | figure 2 | figure 3 | ||
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figure 4 |
Diffusé pendant une trentaine d'années et
distribué en France sous licence par Monet & Goyon (à partir de 1952),
ces engins auront eu le mérite, au moins, d'aborder le problème du
transport sous une forme nouvelle.
C'est, fortuitement, après avoir démarré mon RDLC dans mon garage et
déclenché l'alarme anti-incendie à cause des fumées dégagées à froid que
j'ai songé à ce Lohmann, dont la vitesse de pointe, bien que limitée, est
amplement suffisante dans nos agglomérations hyper-saturées, pour une
consommation certainement limitée. Je ne suis pas certain que, de nos
jours, ce Lohmann n'y aurait pas sa place.
Mais aujourd'hui, sans la performance et sans le luxe, on n'est plus grand
chose.
Sources : | Textes : | - Didier Mahistre, Franck Méneret |
Documents : |
- Moto Revue, Didier Mahistre |